la femme enceinte ou comment devenir mère

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Suite des extraits de la thèse de Maud Perreau

 En lien avec ce travail qui la prépare à son rôle de maman, la mère investit progressivement l’enfant qu’elle porte. Et de la qualité de cet investissement dépend en partie la qualité du lien mère-enfant après la naissance. Sylvain Missonnier cite divers travaux  qui illustrent combien les « scénarios comportementaux, affectifs et fantasmatiques maternels imaginés pendant la grossesse organisent en partie, les interactions ultérieures avec le bébé en post-natal (4). » Il parle de fonctionnement psychique maternel placentaire, pour bien illustrer la fonction nourricière et créatrice de cet investissement psychique.

Pour lui, ce fonctionnement psychique particulier est basé sur  la  relation d’objet virtuel (4). Cela comprend
« l’ensemble des comportements, des affects et des représentations, conscientes, préconscientes et inconscientes, à l’égard de l’embryon puis du foetus ». Cette relation se modifie tout au cours de la grossesse,  pour préparer la future relation avec l’enfant.

Dans le premier trimestre de grossesse, il s’agit d’affirmer la réalité de l’embryon par le non-recours à l’interruption volontaire de grossesse, l’annonce aux proches et l’éveil de la responsabilité maternelle avec l’adoption des bonnes conduites de grossesse.

Au deuxième trimestre, le bébé devient perceptible et donc il accède au statut d’être distinct bien qu’encore dans le virtuel. L’échographie viendra alors mettre une image sur cet être en devenir et cela peut créer un conflit intrapsychique entre la représentation de l’enfant réel et de l’enfant imaginé. Enfin selon l’identification de la femme à sa propre mère, elle s’identifiera plus ou moins facilement et harmonieusement à la fonction maternelle.

Pour terminer, au troisième trimestre, c’est la continuité du processus de « nidification parentale » dont l’aboutissement est l’anticipation de la venue du bébé et des changements que cela va induire. Cela réactive généralement des peurs archaïques d’annihilation comme lorsque le jeune enfant tente de retenir ses excréments pour ne pas être englouti avec eux dans les toilettes. Enfin, c’est un moment de grande incertitude quand à  la date d’accouchement, son déroulement, la survie de la mère et de l’enfant dans une moindre mesure, et enfin l’incertitude quant à la compétence maternelle.


Trois types de relation d’objet virtuel sont décrites par J.Raphael-Leffe (4) :

- la mère facilitante qui idéalise l’enfant à venir et ne se prépare pas à une relation duelle avec son enfant en tant qu’être  différencié d’elle-même mais dépendant. Elle attribue à l’enfant des qualités imaginaires.  C’est un moyen de tenir à distance une haine inconsciente vis-à-vis de la parentalité. Dans le cas d’une femme déprimée, elle peut alors imaginer que la venue de l’enfant réparera ses manques. La confrontation à l’enfant réel pourra être très difficile.

- la mère régulatrice qui ne perçoit que la dangerosité de cette nouvelle relation et tente de mettre à distance ses émotions négatives. Pour elle l’enfant se résume à un ensemble de besoins contraignants. Elle attend de lui qu’il s’adapte au maximum à son environnement. Dans le cas de la mère dépressive, ce type de relation d’objet virtuel peut conforter la mère dans sa vision négative de la grossesse et d’elle-même, le côté gratifiant de la maternité n’étant pas perçu.

- la mère ambivalente qui anticipe la venue de cet enfant de manière réaliste avec son lot de joies et de difficultés d’adaptation.

Nous pressentons aisément que la mère ambivalente sera plus adaptée que la mère régulatrice ou facilitante. Une femme en difficulté psychologique anticipera très certainement de manière moins réaliste la venue de l’enfant. L’investissement vis-à-vis du foetus pourra se révéler peu adéquat. Ces difficultés de la relation d’objet virtuel trouvent le plus souvent leur origine dans des identifications projectives issues de l’enfance de la mère.

Un soutien psychologique pour ces femmes prendra alors toute son importance pour tenter de rétablir une relation d’objet virtuel plus adéquate et les aider à chasser les fantômes qui les empêchent de s’identifier sereinement au rôle maternel.

Toutefois, certaines femmes qui souffrent de symptômes dépressifs décrivent une amélioration de leur humeur pendant la grossesse. Cela peut être mis en lien avec  les remaniements psychiques de la grossesse qui permettent une résolution de certains conflits ou encore avec une capacité de résilience qui serait stimulée par le fait d’être bientôt mère.

Maud Perreau


Bibliographie

(1) Bydlowski M.
Je rêve d’un enfant : l’expérience intérieure de la maternité.
Paris : Odile Jacob ; 2000.

(2) Bydlowski M.
La dette de vie : itinéraire psychanalytique de la maternité. 3ème ed.
Paris : Presses Universitaires de France ; 2000.

(3) Bayle B.
Contribution à l’étude psychologique de la grossesse.
In : L’enfant à naître : identité conceptionnelle et gestation psychique.
Ramonville Saint-Agne : Erès ; 2005. p. 305-68.

(4)  Missonnier S.
La consultation thérapeutique périnatale. 2ème ed.
Ramonville Saint-Agne : Erès ; 2005.

 

 
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